Photo : Bernard Hanower
Ils sont tout au plus une dizaine aux allures d’automates à musique, vêtus comme des soldats, le visage fardé, ils sourient tandis que sur leurs épaules et au-dessus de leurs têtes reposent de curieux haut-parleurs, dont émergent de surprenantes images sonores.
Au milieu d’eux une femme, gracieuse, fragile, perdue ; elle est vêtue d’une grande robe 1900, elle porte un long collier de perles, une coiffe faite de pellicules cinématographiques, et elle avance nonchalamment, le regard absent. Ses bras gantés de noir semblent indiquer une direction que les petits soldats acceptent de suivre. Parfois ils se rebiffent, l’encerclent, s’agitent dans tous les sens.
Ces hybrides, moitié chair, moitié haut-parleurs, sont-ils les avatars nés de l’accouplement monstrueux d’un phonographe et d’une femme - cette diva qui, à leur tête, semble leur faire rejouer des pans sonores de sa mémoire, de ses rêves, de ses fantasmes ? Ou bien est-elle, simplement, le chef d’orchestre d’une fanfare déréglée, rescapée d’un univers disparu, et interprétant des épisodes du film de sa vie ?
Pas un mot, mais une bande-son hétéroclite : marche, extraits d’opéra, valse et pour finir bruits d’animaux interrompus de communications téléphoniques non abouties. Curieuse procession pendant laquelle certains chercheront à savoir qui est cette femme, tandis que d’autres s’amuseront du sourire ou de l’allure de certains soldats.
– UN ACOUSMONIUM EN MOUVEMENT
La notion d’acousmonium, ou « orchestre de haut-parleurs », désigne un ensemble de haut-parleurs aux propriétés et caractères variés (en termes de directivité, timbre, dynamique…), chacun mettant en relief certains aspects de l’œuvre enregistrée.
Le Cinématophone a été imaginé pour projeter des pièces électroacoustiques dans l’espace public et en mouvement, dans un contexte urbain. Il constitue un dispositif unique en son genre, permettant non seulement la diffusion et spatialisation sonore, mais aussi la mise en mouvement et la théâtralisation du son.
Il réunit de manière inhabituelle plusieurs exigences remarquables : la diffusion de programmes multicanaux (8), sur un ensemble de haut-parleurs autonomes (libres de toute connexion câblée) de directivités, avec des portées et puissances adaptées à l’espace public, intégrés aux costumes des personnages (acteurs, danseurs…) et évoluant librement dans l’espace public.
– ECRITURE NUMERIQUE INNOVANTE : LES HOMMES SOUNDWICH !
Le Cinématophone est l’alliance de l’homme et du numérique !
C’est une création tout à fait innovante, encore aujourd’hui, de par son système octophonique, mobile, autonome, sans fil et qui plus est, intimement lié aux personnages du spectacle : par leurs mouvements, les comédiens influent sur l’espace sonore qui se construit in situ, en direct, en lien avec l’acoustique du lieu de jeu. Il s’agit ainsi, on peut le dire, d’un duo entre le régisseur son et les comédiens.
L’apport technologique numérique se situe dans les sources sonores qui sont numériques, ainsi que certains éléments d’amplification pour une meilleure ergonomie et autonomie.
Photo : Christophe Pertin, 1998
mardi 1er juin 2021