Vendredi
6 Août 1999, Joburg Observatory
Sugar Brown, 23h
Kiké Achil et Philou sont allés se coucher
Sugar Brown, c'est le nom du château que nous habiterons pendant
notre séjour en Afrique du Sud. Une grande baraque qui expose des
tours de pacotille au dessus du quartier de l'observatory, auberge pour
baroudeurs aujourd'hui, elle était en fait la demeure d'un mafieux,
dixit le nouveau maître des lieux Yann, un anglais francophone.
Il a racheté ce castel il y a quatre ans après l'assassinat
de l'ancien propriétaire.
Je vous écris de la table du salon billard, Sarah a entamé
une partie de "backgammon" avec un de nos nombreux colocataires
Ici, il fait un peu froid à partir de cinq heures car c'est l'hiver,
pourtant une chaleur et une volonté humaine nous réchauffent
avec chaque rencontre. Ce soir je commence doucement à glisser
dans mes rêves colorés vert jaune rouge, sous les étoiles
africaines.
L'Afrique, je suis la seule de l'équipe à n'y être
jamais allée, et je pensais Johannesburg ce n'est pas l'Afrique,
c'est une ville
et pourtant, cet après-midi, en traversant
la ville en voiture, c'est bien l'image de l'Afrique que j'ai vue. De
petits étalages colorées rythment le bord des routes composés
essentiellement de bananes et d'oranges, sur le trottoir, sous de petites
tentes, des coiffeurs sont installés et tout en coupant les cheveux
discutent avec d'autres personnes, oui c'est ça que l'on voit d'abord
à Johannesburg, LES GENS.
Dimanche 15 août, à deux heures de
Joburg
Une grande route, bordée de terre rouge, de part et d'autre une
étendue un peu vallonnée, pas de maisons, on ne voit que
la steppe. De temps en temps, de petits groupes marchent au bord de la
route, où peuvent-ils bien aller ?
Il semble qu'il n'y ait rien à des kilomètres à la
ronde, pourtant tout à coup, au loin, apparaît une masse
de toutes petites maisons. Quand on s'approche, au milieu de la grande
route, un stop, et on se retrouve alors dans un village de maisons faites
de tôle et de tout ce que les gens ont pu trouver.
Et on continue, de nouveau on se retrouve perdu dans la steppe. A plusieurs
reprises, on aperçoit des groupes assis en cercle et au milieu
un prêcheur, aujourd'hui c'est Dimanche, tous les gens sont bien
habillés.
A un carrefour, un ami de Michèle, Larry (qui travaille pour les
All Africa Games) monte dans la voiture, c'est un musicien Ndebele, il
nous amène dans un village pour voir des danseuses en costume traditionnel.
Au village, à défaut de maisons peintes, nous sommes très
bien accueillis dans un jardin qui respire le calme et la tranquillité.
Fleur, Philou, Yuka et moi partons à l'aventure. Très vite,
un petit groupe d'enfants nous suit en rigolant. Une jeune fille se présente
à nous et nous propose de mettre son costume Ndebele. Après
la traditionnelle photo, une dame nous entraîne derrière
sa maison. Elle veut en fait que l'on photographie les enfants avec ses
deux petits chevreaux. Après les échanges d'adresses pour
envoyer les photos, nous retournons voir les danseuses, que l'on a fini
par retrouver.
Les
costumes Ndebele sont constituée d'anneaux en perles, placés
autour de la taille et tout le long des jambes. La tenue ne permet pas
beaucoup de mouvements, ce qui donne à la danse un caractère
particulier. Il s'agit de petits mouvements de bassin qui font vibrer
les anneaux. Pendant qu'une des danseuses fait ses mouvements au centre,
les autres chantent et soufflent dans des sifflets.
Mais ce qui m'a le plus marqué, c'est la rencontre avec les enfants.
Au départ assez farouches même si intrigués, ils finiront
par nous faire chanter et danser. Le déclic se fait d'abord par
le biais de l'appareil photo, le tai-chi de Martine fera le reste. C'est
ainsi que nous nous retrouvons dans un petit village d'Afrique du Sud
à genoux en chantant avec les enfants "Savez-vous planter
les choux, à la mode à la mode..."
Cette journée se terminera sous l'illumination d'une colline
en feu, image à la fois magnifique et poignante, du fait des conséquences
désastreuses sur les terres.
Troyeville hôtel
Dimanche 5 Septembre
21h, après un répétition au stade
Soweto, c'est avant tout un lieu de vie, dès que l'on arrive,
on est surpris de voir tant de personnes devant leur maison et d'enfants
le long des routes. Ce qui surprend aussi est l'alignement et la ressemblance
des maisons, elles sont numérotées comme en France, mais
les chiffres vont jusqu'à plus de 5000.
Les
4 millions d'habitants sont logés dans de petites maisons sans
étage, ce qui fait que la ville est très étendue.
Les maisons "éléphants" sont longues et basses,
trois familles y vivent. J'ai eu l'occasion de rentrer dans plusieurs
de ces maisons et le kitch est à la mode à Soweto, des petites
statues en porcelaine aux fausses cheminées électriques.
La maison se compose généralement d'une cuisine, d'une salle
à manger et d'une chambre. Les enfants sont logés dans des
chambres construites dans la cour derrière la maison. Toute la
vie de la maison semble se passer dans cette cour, notamment le lavage
du linge.
Le lieu de répétition des danseurs de Dora, avec qui nous
travaillons, est un terrain de basket qui longe une école. En face,
un terrain vague avec de grandes bennes pour les poubelles et un étalage
de fruits et légumes.
Les danseurs ont entre 6 et 15 ans, ils répètent tous les
jours après l'école avec Dora qui les mène à
la baguette. Leur habitude fait qu'il est difficile de leur faire faire
des exercices qui demandent de l'improvisation, mais ils intègrent
très vite les chorégraphies. Leur capacité à
danser ensemble avec précision et rythme est impressionnante.
Nous travaillons également avec le groupe de théâtre
de Sifiso, 30 jeunes de 17 à 26 ans. La rencontre avec ce groupe
m'a permis d'appréhender un peu ce qu'est la vie à Soweto.
Bien que les enfants, dès 3 ou 4 ans, semblent très libres
dans la rue, les parents semblent assez stricts avec leurs enfants, notamment
avec les filles. A 18 ans, peu peuvent sortir le soir en week-end.
La
plupart des jeunes de Sifiso ont fini leurs études, ils ont arrêté
après l'école secondaire vers 18 ou 19 ans, car les études
à l'université coûtent trop cher. A l'école,
les cours ont lieu jusqu'à 11h30 puis de 12h30 à 15h, ce
qui laisse aux enfants le temps de faire des activités comme la
danse et le théâtre. Il n'y a pas de cantine pour les élèves,
pour 3 Rounds (=3 FF), ils vont s'acheter la Gotha, chez une mama du quartier.
Il s'agit d'un gros morceau de pain sur lequel sont versées différentes
sauces à base de curry, de légumes et d'un peu de viande.
La relation avec le groupe de Sifiso a tout de suite été
assez facile car ils sont ouverts et désireux de rencontres et
d'échanges. Jouer Cinématophone dans leur quartier (White
City à Soweto), a été un moment très fort,
et leur a donne envie de réfléchir dans leur pièce
sur ce contact direct au public.
En dehors de nos répétitions, ils préparent un spectacle
sur le sida. Sifiso m'explique qu'il y a eu de grandes campagnes publicitaires
sur les moyens de prévention, mais qu'il y a maintenant beaucoup
à faire pour que les malades soient acceptés dans leur travail
et leur famille.
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