Mardi
10 août
Bon, c'est décidé, demain j'écris quelque chose.
Allez.
Le 26 août 1999, TroyeVille Hotel, chambre
de JR
Température 3 degrés !!!
Chacun s'y colle, c'est la règle.
"
quelques mots, quelques lignes
" c'est la quête
journalière "
pour laisser une trace, pour le Carnet
De Bord
"
Pas évident, pas naturel.
Personne veut jouer avec, et personne n'a envie de l'appeler C.D.B comme
on le ferait avec un ami.
C.D.B, c'est mignon, c'est sympa, ça serait comme un copain qu'on
lui dirait le soir en toute complicité les extravagances imaginées
le jour, un pote épatant, un messager qui porterait aux proches
lointains des nouvelles, des baisers.
C.D.B, ce serait le confident attentif, le scripte fidèle, chargé
de transcrire nos pensées les plus secrètes, profondes et
pouêtiques, l'interlocuteur idéal : carré, lumineux,
muet, l'ordinateur chaleureux ; C.D.B, ce serait ça.
Mais moi, C.D.B, il me les brise.
C.D.B, il me les gonfle à 15 bars de pression, à me faire
péter la grosse veine bleue ; quémandant quelques lignes
entre le potage et le cabillaud, mendiant mes pensées, voulant
sans cesse transformer en future nostalgie mes présents quotidiens,
C.D.B me harcèle, C.D.B me persécute, C.D.B me déprime.
Et à mesure que s'approche l'échéance, le futur s'éloigne
à en devenir inconcevable et le reste m' indiffère ;
alors la postérité avide de me lire le soir à la
veillée, alors les amis, les proches les ordinateurs devront attendre
la fin de ce cauchemar de rêve pour en connaître la substance.
Pas le temps, pas l' envie.
Le deuxième
soir, j'avais déjà fini le flacon d'anti-dépresseur
1976 à 76°, production artisanale.
Ici, c' est pas facile
Au début en tout cas
Les recommandations de rigueur intégrées,
j'arrivais bourré de préjugés et de craintes pour
ma santé et ma sécurité, agissais avec une vigilance
exagérée, me méfiant de tout et de tout le monde,
redoutant constamment l'assaut de l'ennemi.
Et puis l'ennemi, j'ai réalisé que je ne le fréquentais
que 37 secondes par jour, le temps d'un transfert d'un bunker à
l'autre : de l'hôtel à l'atelier en voiture neuve et
rouge.
Alors, je me suis calmé.
Parce que tout le monde se calmait.
Certains sont sortis le soir : bars, restaus, boîtes, rentrant
bien après les douze coups de fusils à pompe de minuit (des
fois, y'en aplus et pas forcément à minuit, alors on peut
pas s'y fier, et pour avoir l'heure, mieux vaut avoir une montre), alors,
moi aussi je suis sorti.
Ca va.
C'est pas si terrible.
C'est pas pire que les grilles, les barreaux, les barbelés, les
gardes armés, systèmes d'alarme pour notre sécurité
.
C'est moins oppressant, moins désespérant.
C'est même agréable
Et
puis après 10 jours, je ne le vois plus, je suis là, j'ai
même pris quelques habitudes, une sorte de rythme, et puis le boulot
commence à grignoter la tête, les nuits, les nerfs.
C'est dur le groupe. Collègue ? Copain ? Colocataire ?
Complice ?
Il faut bien. On essaye de se serrer, de se soutenir, sans se poser la
question de se supporter ou pas.
Parfois même, les autres font du bien.
Là, je commence vraiment à raconter des conneries. Allez,
au lit.
C'est promis, demain j'écris quelque chose.
Mercredi 8 août
Menu du jour et réflexion sur ce prochain millénaire...
Jeudi 9 août
Madame "vite, vite..."
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