La culture, le plus souvent, ce sont de petits objets ou de grandes phrases enfermés dans des salles. On y accède en prenant son billet au guichet et en se soustrayant au bruit du monde. On s’assied dans un bon fauteuil, on déambule dans un lieu ouaté, on laisse sa conscience s’évader loin dans des espaces imaginaires où le soleil est toujours plus brûlant qu’aujourd’hui.
Mais il y a aussi une culture qui n’a pas voulu fermer la porte derrière elle, une culture qui a osé s’installer là où marche tout le monde, là où personne n’a de place réservée à l’année, là où les cimaises s’appellent façades et où chacun a déjà traversé mille fois la scène.
Ici à Noisy-le-Sec, cette culture s’est installée depuis longtemps et, chaque année, occupe la rue pendant les Rencontres d’Ici et d’Ailleurs. Tout a commencé à la fin des années 80 quand s’inventait cette pratique artistique encore neuve qui faisait fonctionner la ville d’une manière inédite. On apprenait alors les mots de théâtre de rue ou d’arts de la rue. Et on découvrait que la culture pouvait être là, dans cet endroit le plus trivial et le plus accessible de l’espace urbain.
Ce fut pour moitié un scandale et pour moitié une révolution. Avec une énorme autre moitié : le plaisir. Un plaisir immédiat, jubilatoire, vertigineux, politique, profond, limpide, complexe, doux, furieux, polychrome, explosif – ce que doit être la culture.
Pour ces 23es Rencontres d’Ici et d’Ailleurs, le Moulin Fondu (Centre national des arts de la rue) invite une fois de plus ses pairs à l’un des plus importants rendez-vous des arts de la rue en France. Une fois de plus, la culture à ciel ouvert, sans barrières et sans codification, sans entre-soi et sans exclusion. La culture immédiate, la culture directe, la culture flagrante. La culture contre la crise et malgré la crise (même si la disette budgétaire a contraint cette année à raccourcir les Rencontres d’Ici et d’Ailleurs d’une journée). La culture dans son évidence la plus éclatante. La culture dont a plus que jamais besoin la ville – et cette ville-ci, comme toutes les villes. La culture du combat, du plaisir et du partage tout à la fois.
Bertrand Dicale
jeudi 13 mars 2014