Trois petits cochons à Caracas
[ 1 ] [ 2 ] [ 3 ]

Deuxième jour, de notre hôtel
Fin de journée

Bonjours à vous , amis du vieux continent, notre seconde journée à Caracas s'achève, Kike est affalé sur un fauteuil, il essaye de se remettre de cette journée très éprouvante, chaude, active et pour lui extrêmement bavarde. Il déclare avoir la langue comme une râpe à gruyère. Il est au four et au Moulin, un moment directeur artistique et à un autre traducteur de notre délégation. Inutile de vous préciser que son espagnol nous est précieux, cette expérience nous confirme qu'il est très important que l'interprète soit de la maison, ensuite Kike nous connecte avec ce pays, nous lit le journal nous traduit les émissions de télé.

Fatigué-dérouté, mais motivé… je vais me coucher… demain je vous raconte.

JR

 

Dimanche 3 février 2002 au matin
Lumière splendide, on voit les montagnes
Volume sonore, Kiké mixe sa radio de poche FM avec les bruits de la ville
Tout est calme

Kiké est en bas dans sa chambre il vous écrit sa chronique sur fond de radio latinos (en bas, notre appartement est sur deux étages…). Moi je me prépare à partir avec Philippe finir des photos de repérage du parcours décidé hier pour les Trottoirs. Mais les doigts me démangent un peu plus qu'hier, je suis en pause devant mon ordinateur, je me laisse aller à vous narrer mes impressions matinales.

Drôle de pays encore que celui là, attirant, surprenant, effrayant, passionnant, "Trottoirs" colle à Caracas. Nous avons dessiné un circuit, balisé par des zones de non droit, ou nous pourrions être en danger, il est donc parfois un peu alambiqué mais correspond au mouvement nécessaire à une bonne évolution du spectacle, ensuite ce dernier se trouvera inscrit de plein pied dans le centre ville de Caracas.

Les organisateurs attendent 2000 personnes par soir. Nous comptons parmi les 57 équipes internationales invitées par le "Fundaténéo Festival", cette année une invitation spéciale aux compagnies Françaises avec entre autres, Peter Brook avec une création des Bouffes du Nord, Les Off avec Carmen pour la deuxième fois consécutive, les Plasticiens Volants et leur Don Quichotte. Sinon les compagnies viennent du monde entier, d'Australie, de Lituanie, du Mexique, elles sont programmées durant quinze jours, et jouent dedans et dehors.

Kiké vient de sortir de son trou, sa tête dépasse de l'escalier, il vient d'avoir Xavier qui a séjourné au Moulin chez nous cet hiver et qui n'avait pas pu reprendre l'avion au moment des Twin Towers. Il vient nous sortir de notre prison dorée, réserve à touristes. Enfin on va peut être pouvoir rentrer dans le vif du sujet… Dès son arrivée il nous confirme que l'ambiance politique est surchauffée…

JR

 

Cacaracas le 3 février

C'est dans une ambiance rappelant étrangement les archétypes du cliché sud américano : Viva la Révolution, Viva la Manipulation, Viva la Corruption sur fond de misère, 80 pour cent de la population vit dans la pauvreté.

Actuellement le président Chavez est accusé de corruption, d'incapacité à gérer le pays et de n'assouvir qu'une soif : son pouvoir personnel.

Haro de la presse dénonçant l'état de corruption… Le président Chavez menace dans un discours télévisé la presse et les journalistes… Réactions… une bombe dans un journal. Pour soi disant protéger la presse et ses serviteurs, la police en civil et en uniforme a investi les différents médias… Aujourd'hui toutes les organes de presse sont dans la même tour… la liberté d'expression en mille feuilles…

A la veille du quatre février, dixième anniversaire du coup d'état de 1992 le président décrète ce jour là comme fête nationale.

TOLE général, dix ans après les colonels putschistes, Francisco Arias, Yoel Acosta et Jésus Urdénéta sont totalement opposés à leur ex compagnon Hugo Chavez, et l'accusent successivement.

"Nos officiers ne pensent pas à se former comme militaires, mais plutôt espèrent du président un poste pour obtenir un meilleur salaire"

"Le 4 février nous nous sommes battus non pas pour gouverner nous même mais bien pour que notre pays change, non pour prendre le pouvoir mais pour que le pays se développe"

"Le but de Chavez c'est de rendre possible que la guérilla triomphe et soi dépassée, ce qu'il appelle l'oligarchie Colombienne."

Accusé d'activité avec la guérilla Colombienne, accusé de soixante chefs de corruption. L'ensemble de la société civile, à la veille du 4 février, a déclaré qu'il ne ferait rien pour célébrer ce moment. L'ensemble des mouvements politiques et associatifs annoncent eux qu'il marqueront ce jour comme une journée de deuil, ils appellent l'ensemble de la population à descendre dans la rue en Noir pour marquer sa désapprobation , ce soir l'ensemble des lumières de Caracas devront être éteintes pendant quinze minutes. Voilà tout cela sur fond de salsa…

Xavier vient d'arriver et me confirme l'ambiance actuelle, nous partons avec lui pour suivre une manifestation inscrite de ce cadre de revendication… Viva la révolution...

Kike

 

La Rencontre...

Une belle journée de travail. L'équipe mise en place par l'organisateur est à l'écoute et tout doucement, comprend l'ensemble de notre problématique liée à l'installation de notre spectacle. Au fur et à mesure ils deviennent de vrais partenaires techniques, logistiques et peut être artistiques.

C'est l'occasion aussi pour moi de voir Kike, embarqué avec nous logiquement comme co-directeur de la Compagnie Oposito, mais aussi, évidement comme traducteur, être "El Magnifico"... Grand moment.

Ces moments de repérage sont aussi l'occasion de rencontrer la Ville. Je profite de nos déambulations pour regarder plus loin que la bordure de trottoirs qui risque peut être de nous gêner. Tous nos aller et retours, nos ballets sans chorégraphie ont tout de même un sens et nous permettent presque de nous confondre avec la population. Bref un statut de privilégiés qui nous laisse le temps de ressentir la Ville vibrer...

Nous ne sommes pas des touristes. Nous avons pourtant les mêmes accessoires, appareil photo et caméra numérique, plans de la ville, du quartier. Mais les touristes ne photographient pas les portes de hangars, ni le mobilier urbain... quoique !

Puis il y a, entre deux photos techniques, l'image volée. Un regard, un commerçant au labeur, derrière son camion qui appartient à une autre époque, une femme au regard sombre assise sur sa bordure de trottoirs qui me demande quelque chose sans que je puisse comprendre.

Et cet ancien bâtiment carcéral, le Cuartel San Carlos transformé en espace culturel pluridisciplinaire. Ce passé trop douloureux qu'on ne peut effacer, alors on le repeint en blanc, propre.

Autant d'images qui sont pour moi des questions dont je remets les réponses à plus tard. Suis je capable de répondre ? Pas tout de suite, c'est sûr.

Globalement les contrastes de cette Ville m'impressionnent. Je pense à l'équipe Oposito restée dans le neuf trois, il y aura sûrement un moment de trouble pour eux aussi....

Spéciale pensée à Mimi Bosse et à nos trop courtes discussions sur " Les Autres Ici Et Ailleurs "....

Philippe