Lundi 15 mars 1999
Maison de Catherine, temps maussade, mais il fait bon
Hier, dimanche,
nous continuons notre découverte de la ville et de ses contrastes.
Nous sommes allés visiter, si l'on peut employer ce mot quand il
s'agit d'un Township, "Alexandra", un joli nom pourtant, un quartier où
s'expose la misère à proximité de quartiers très
riches. Pour cela il suffit de passer le pont, qui sépare ce territoire
du reste de la ville. Dures !!! très dures, les visions de
nos fenêtres de voiture, nous en sommes descendus deux fois et cela
de façon très rapide. Nous accompagne, Hassan, le mari de
Roshnie. Il est d'origine Indienne, il connaît bien cet endroit,
il en parle avec force et maints détails, il nous explique que
ce quartier moins connu que Soweto a joué un rôle dans la
lutte contre l'Apartheid et qu'aujourd'hui cette partie de Johannesburg
est le lieu d'un enjeu politique important. Je ne ramènerai pas
beaucoup de photos pour illustrer mon propos, nous ne resterons pas longtemps
dans cet endroit, je n'assume pas le côté voyeur de cette
"promenade" faite au pas de course, où j'ai été voir
des hommes, des femmes et des enfants qui vivent entassés les uns
sur les autres dans des conditions hallucinantes d'insalubrité,
à deux pas de la richesse. A l'issue de notre périple, Roshnie
m'a demandé si j'étais d'accord, pour faire ici cet été
une intervention de théâtre de rue ? Aujourd'hui je
sais pas, je suis tout gris dans ma têteˇ En plus, Kiké n'a
toujours rien dessiné, c'est pas bon signeˇ
Changement de décor. La fin de notre après midi se déroulera
au théâtre de l'Université, où dans un premier
temps nous aurons un entretien avec une journaliste du Star Tonight, grand
quotidien très populaire. Questions habituelles, réponses
toutes faites !!! Mais sincères !!! Puis nous allons
au spectacle, un "show" à l'humour très British de la Compagnie
Robin Orlyn, entre danse et théâtre, ça pourrait s'appeler
panique au centre culturel, une belle distribution de personnages fédérés
autour d'un animateur de centre social, entre grotesque et burlesque avec
la pointe d'ironie nécessaire, pour que naisse la poésie,
D'un cygne noir,
Qui comme présage,
Laisse des traces blanches sur son passageˇ
"Ca plairait aux Alamas et aux Morétus !!" a dit Kiké.
A l'issue du spectacle, nous aurons une discussion avec certains protagonistes
de ce projet, une fois de plus, je me rends compte à quel point
l'exception du réseau culturel français et de son mode de
production est une incroyable richesse de notre pays (Cocorico !!!).
La chorégraphe qui a monté ce spectacle et qui est selon
nos interlocuteurs une des meilleures d'Afrique du Sud a réussi
à obtenir en tout et pour tout une subvention de 10 000 francs,
les entrées sont pour la troupe, et le billet est à 16 rands
(16 francs). Une chose m'a marqué au cour de cette soirée,
outre les comédiens de la troupe qui était constituée
de blancs et de blacks, le public était plutôt blanc sinon
très blancˇ
La soirée se finira de bonne heure au restaurant, poisson ce coup
ci!!!
Lundi 15 mars
14h de la maison de Catherine
le soleil est de retour
"Hey Bro!!" prononcer brou!! c'est comme ça que l'on vous interpelle
dans la rue, Bro pour brother, Je viens de laisser Michèle et Kiké
faire des emplettes dans le centre de Melville, pour venir terminer ce
courrier. Nous avons rendez vous cet après-midi, avec Sifiso le
comédien qui a travaillé avec Jean Marie Maddidu des Piétons
lors de son passage à Johannesburg, puis ensuite avec François
le comédien que nous avons vu l'autre jourˇ
@+ Jean Raymond
Mardi 16 mars
2h du mat
Je viens de rentrer, et je sais que je dois écrire les quelques
mots qui vont suivre, demain je n'aurais pas le temps, vous excuserez
donc le style télégraphique !!!
Après-midi et soirée riche en événements,
rien ne s'est passé comme prévu, mais tout s'est très
bien passé !!! Avons découvert le reste de l'équipe
de L'Ifas, pas mal, moderne le staff, jeune très jeune, serviable
et tout et tout, échange d'infos discussions à bâtons
rompus, on se présente, on prend des rencarts.
15h30, arrivée de Sifiso, il est de Soweto, enseignant dans une
école dans la journée, il fait du théâtre le
soir, j'ai en face de moi un mec solide, il est très content de
son aventure avec Jean Marie, la perspective d'un projet d'ordre professionnel
lié à la rue le séduit. C'est notre premier interlocuteur
Zoulou, merci Maddidu et Poussin pour cette rencontre.
17h30, on laisse Sifiso au bistrot du coin avec un rencart plus tard,
pour filer retrouver François, il est accompagné de sa femme
Philippa, comédienne elle aussi. Elle m'apprendra par la suite
qu'elle a fait le cours Jacques Lecoq pendant deux ans, elle en parle
avec beaucoup d'émotions dans la voix. Moi je pense à Thierry
Lorent. Elle sourit lorsqu'elle apprend que plusieurs comédiens
de chez nous sont issus de chez Lecoq, celui-ci ayant toujours dit à
ses élèves qu'il ne voulait pas les voir jouer dans la rue.
En fait,
on ne reste pas à l'Ifas. Au passage on récupère
Sifiso. Pour des raisons technique on se rend tous chez Catherine, où
s'organisera une des réunions les plus constructives depuis notre
arrivée. Catherine m'étonne, est elle très présente
et assez imprévisible, elle est très à l'écoute,
mieux je dirais elle accompagne le projet !!! La discussion nous
apportera de nombreux éclairages sur l'envie que pouvait générer
un projet comme le nôtre, mais ici comme partout ailleurs, la peur
de se faire instrumentaliser est présente. Ensuite, avant nous
d'autres sont passés et certains d'entre eux n'ont pas toujours
tenu leurs engagements, tout cela lié à la réalité
de ce pays où les gens vivent à côté des autres
et non ensemble. Malgré tout ça, je pense que ça
va le faire !!!
20h, François et Philippa nous quittent, nous invitons Sifiso
à bouffer avec nous. Houa, ce repas, Sifiso nous parle de Johannesburg,
c'est en fait la première fois qu'un natal, c'est à dire
un Zoulou, nous raconte son pays. Il nous confirme que cette ville est
dangereuse, mais que la criminalité ne fait pas elle de discrimination
raciale, et que les gens de toutes les communautés sont touchés.
Le poids du passé pèse lourd, simplement quatre ans depuis
la fin de l'Apartheid. Sifiso lui s'est mangé 18 mois de prison,
c'est un de ses amis, Didier un jeune photographe de Marseille qui nous
a rejoints dans le cours de la soirée, qui nous l'apprendra. Nous
nous quitterons à 2h du mat, en ayant pris rendez vous à
Soweto dans deux jours.
3h43 en direct de son lit,
@+Jean Raymond
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